Ainsi de suite 2 Deux expositions du 14 février au 15 juin 1998 Boris Michaïlov, Jean-Jacques Rullier, Sarkis, Gérard Collin-Thiébaut, Yoshio Shirakawa Deuxième proposition, à partir du 30 avril, changement d’accrochage : Boris Michaïlov, Jean-Jacques Rullier, Sarkis, Gérard Collin-Thiébaut et, nouvelle présentation : Paul-Armand Gette, et Mohamed El Baz |
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Gérard Collin-Thiébaut Mohamed El baz Paul-Armand Gette Boris Michaïlov Jean-Jacques Rullier Sarkis |
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Le pari d'une exposition en mouvement se concrétise au fur et à mesure des expériences de mise en espace tant pour l'œuvre elle-même que pour sa promiscuité à d'autres oeuvres ; des changements de points de vue révèlent ainsi de nouvelles questions au fur et à mesure aussi, des réflexions entreprises sur le temps de lecture des oeuvres, et de l'exploration des potentialités du bâtiment. Certaines pièces présentées lors d'un premier accrochage ont sensiblement "évolué", d'autres sont décrochées et remplacées, Paul Armand Gette et Mohamed el Baz viennent contribuer à la convocation des mémoires. Pour Au commencement - le son du silence - à l'arrivée, Sarkis nous a signifié par un texte poétique, que le temps de la transformation de l'œuvre était venu. La chaîne de dessins de Jean-Jacques Rullier proposée pour être réalisée par le public a partiellement envahie les murs. Mais le centre d'art inspire parfois aux artistes des désirs de changement plus radicaux. Gérard Collin-Thiébaut a décroche entièrement sa proposition 7 x 1 pour réaliser un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps. Les Linges de mots, ne sont plus que la trace de ses Collections de caractère, sur un voile aussi sensible que celui de la Véronique. C'est ici une deuxième présentation de son travail, soit : 7 x 2 et 7 x 3, le rébus sur la façade (pour mémoire G.C-T. souhaite aller jusqu'à Cette fois, Sète). Boris Michaïlov a décroche les photographies de la grande salle et présente un travail très récent dans les deux autres salles qu'il occupait. Deux séries de photographies ; une très picturale sur de grands formats, les modeles posent en piéta, en gisants... L'autre plus brutale en petits formats témoigne des blessures des laissés pour compte, de la terreur des nuits urbaines, de la violence des vies dissolues, oubliées. Jean-Jacques Rullier qui présentait Dix visites dans dix lieux de cultes, tel l'itinéraire initiatique d'un dessinateur anthropologue, accroche, cette fois, 25 dessins qui sont cinq actes quotidiens dans cinq espaces tout aussi quotidiens. Sarkis présente à l'étage l'œuvre acquise par le Frac Languedoc-Roussillon : Le trésor de Mnémosyne. La mémoire de la mère des muses est ici convoquée. L'atelier de Sarkis, foyer de l'alchimiste, accède par sa représentation à l'œuvre. Mohamed el Baz considère ici l'espace d'exposition comme un atelier dans lequel l'œuvre ne finirait jamais de s'élaborer. Paul-Armand Cette présente une série de photographies qui sont le fruit d'un travail entrepris depuis 1994, lorsqu'à Sète, il avait rencontré Bénédicte, modèle si peu ingénu. Naissait ainsi un travail sur la liberté du modèle. Dans l'axe de la salle, Paul-Armand Gette a disposé deux grands dessins réalisé un à l'encre de seiche, l'autre au suc de pétales d'iris, deux Pubis d'Aphrodite faisant face aux rochers volcaniques érigés sur leur socle. Ainsi de suite ... un nouvel accrochage visité cette fois par la mémoire des vies et des morts anonymes ou sublimes et qui contribue à façonner une certaine spiritualité.. Gérard Collin-Thiébaut Né en 1946. Vit en France. Les Linges de mots ou Les Moeurs de ce siècle, Divertissement de société. Cette nouvelle série des présentations de Collections de caractères, ou les Mœurs de ce siècle, Divertissement de société, conçue en 1994, n'a jamais eu l'occasion d'être montrée, les lieux ne s'y prêtaient guère. Il s'agit cette fois davantage de traces de mots (c'est en tout cas l'effet que cela donne), laissées sur un tissu épinglé au mur; pouvant nous évoquer le Linge ou Voile de Véronique, à ceci près que le mot reste à l'endroit permettant ainsi sa lecture. Les premiers cent quatre-vingt-treize Linges de mots, sont tirés des 193 Collections de caractères, un peu comme une mise en abîme; puis, de pages de livres revues, génériques de films... de toute époque, dessinés (décalqués 1) au feutre noir Posca sur un non-tissé (intissé) synthétique blanc de 40 x 90 cm, semi-transparent et semi-rigide, tenu au mur par deux Épingles plastiques (push-pin) transparentes. Les mots des Collections de caractères que l'on prononçait 2, ici, se murmurent. Ce n'est pas tant ici, une présentation de caractères disparus, qu'une mise à disposition de mots à venir, muets et encore vierges (sur fond blanc) dans l'attente d'une utilisation bonne ou mauvaise, intéressante ou intéressée, que les individus peuvent en faire. 1 Cette technique de dessin par transparence utilisée systématiquement depuis les années soixante-dix, pour contrer toute intervention d'une main inventive. 2 Les présentations "acousmatiques" des Collections de caractères, 1987 "Dans le cadre de l'exposition "Maintenant" où l'on demandait aux quatre artistes invités par le musée d'art moderne de la Ville de Strasbourg de s'immiscer dans les Grands Appartements du Palais Rohan, j'avais décidé, dans un souci de mimétisme, et dans ce jeu devenu classique de juxtaposition d'ancien et de moderne, de faire entendre, dans ce lieu où il y a tant à voir, les Collections de caractères. Celles-ci furent ainsi lues et entendues dans la salle du Synode, par l'intermédiaire de deux enceintes acoustiques, placées au milieu de chacune des deux parties de la salle (enceintes JM Lab Ovation). La lecture des 193 plaques des Collections de caractères se fit en quatre fois, chacune des quatre parties était précédée d'une danse au clavecin : Fandango en Ré mineur de Domenico Scarlatti, air que l'on a pu entendre dans ce lieu au XVI eme siècle. Les mots une fois écrits, deviennent évidemment parties intégrantes du monde visuel. Comme la plupart des éléments du monde visuel, ils deviennent statiques et perdent, en tant que tels, le dynamisme qui caractérise le monde de l'ouïe en général et plus particulièrement le mot énoncé. Ils perdent une grande partie de leur signification personnelle en ce sens que le mot entendu est un mot qui nous est très souvent destiné, contrairement au mot lu, qui peut, au choix, être lu ou ne pas l'être. Ils perdent la charge et la force émotives qu'a décrites, entre autres, Monrad-Krohn... Par conséquent, en devenant visibles, les mots passent dans un monde relativement indiffÈrent à celui qui le voit - un monde ou la puissance magique des mots n'existe plus." J.C. Carothers, publié dans la revue psychiatry, nov. 1959. Extrait de La Galaxie Gutenberg de Marshall Mc Luhan, Gallimard, Paris. Rébus de Gérard Collin-Thiébaut installé sur la façade du Centre d'Art : derrière VOUS / les / bateaux / des pécheurs / devant VOUS / le Centre d'Art Contemporain / les 2 sont liés par le même objectif / travail / È avec son taon /6 vous / 16 IC / ce la /vous / haie / mé / I'ID neuve / È /VOUS comprend dré / Lare contemporain derrière vous, les bateaux des pécheurs ; devant vous, le Centre d'Art Contemporain, les deux sont liés par le même objectif : travailler avec son temps. Si vous saisissez cela, vous aimez l'idée neuve et vous comprendrez l'art contemporain. G.C-T Mohamed el Baz Né en 1967. Vit à Lille Le travail de Mohamed el Baz se développe sous le titre générique : "Bricoler l'incurable, détails" depuis 1993. Chaque projet, chaque exposition est un fragment, un détail d'un ensemble en devenir. Les bribes de paroles, d'images, d'actions, d'objets, de textes organisent l'œuvre comme autant de plaies du quotidien. Nommer le réel pour en extraire ses fragments de vie, de sentiments ou de révoltes. De détails en détails, le projets s'élabore au fur et ‡ mesure comme en attente de rassemblement. Dés lors, nous pouvons nous poser la question ces détails sont-ils les oeuvres d'une exposition collective ‡ venir ? ou, s'agit-il de programmer une rétrospective piégée ? Nous pourrions parler de la pratique de l'artiste, celle qui consiste ‡ élaborer un réservoir de formes, d'histoires. Une boite ‡ outils qui permet de poser la structure, le squelette de ses expositions. Chaque détail, dans une permutation programmée, sert ‡ construire autre chose. Ces éléments extraits du champ social, se convertissent en nouveaux matériaux sur la base d'une exploitation poétique exorbitée. Trois orientations définissent les bases suivantes : le quotidien, l'autobiographique, le ludique au travers desquelles Mohamed el Baz transgresse les frontières et les catégories. L'oeuvre elle-même devient nomade et se mue en une autre histoire. Les fragments s'associent les uns aux autres pour constituer un nouvel ensemble. Une métamorphose ouverte et sans fin, un projet ‡ la recherche de lui-même. Mohamed el Baz fait partie de ces artistes qui ne travaillent pas spécifiquement dans un atelier, mais investissent l'espace d'exposition comme un lieu de travail. Chaque site prend part ‡ la réalisation du "détail". Ce qui pourrait n'être qu'une vitrine devient le support d'une réflexion sur la rencontre. Mohamed el Baz suscite les faits, les récits, la complexité des milieux dans lesquels il vit. .../... Il insiste sur la familiarité de l'expérience liée ‡ la fréquentation des gens, aux accointances dans le quotidien, aux paroles autant qu'aux faits 1. Comment trouver dans un fait minuscule ce qu'il a de renversant? Ses récits, infiltrés dans des arrangements hétérogènes constitues de photographies, d'objets, de textes, d'installations, de dessins ou de vidéos, sont ainsi ‡ comprendre comme des tentatives fragmentaires d'accommoder les restes d'une Histoire sur laquelle l'artiste n'a aucune prise... L'artiste a conscience que l'on ne peut avoir des choses, une appréhension globale et unitaire, que nous sommes voués ‡ regarder le monde par le petit bout de la lorgnette... Bricoler l'incurable ne consisterait donc pas pour l'artiste ‡ se désengager d'un combat que d'aucuns auraient perdu d'avance... Déclarer un crime incurable, c'est se refuser ‡ penser le monde comme un "paradis perdu", c'est avoir la conscience aigue qu'il n'existe pas "d'origine pure" qui se serait progressivement fourvoyée dans la décadence, c'est accepte,; au contraire, que nous portons en notre sein une "impureté" native, un malentendu fondateur.2 Mohamed el Baz est un nomade qui capte et met en évidence la complexité des relations entre les hommes et la fragilité de la pratique artistique. Il est réalisateur, compositeur et utilise le regard comme un ou il prioritaire de sélection, d'observation, d'analyse et de description. Il convertit, fait diversion, transforme. L'installation Bricoler l'incurable, détails, 1998, au Centre d'Art, se compose d'un scanachrome géant sur une bâche reproduisant le portrait en noir et blanc d'un homme en négatif. 12 tables sur lesquelles sont disposés des drapeaux rouges. Une matrice de mots a été constituée par l'artiste au jour le jour. Sur chaque drapeau un mot est imprimé comme un appel, un commentaire. Ce grand tirage photographique a été présenté lors d'une exposition au Parc de la Villette, en extérieur, ce qui explique sa taille et le matériau plastique utilisé. Ici elle est érigée, suspendue au-dessus des tables comme une image emblématique, mémorial d'une situation en attente. Des moniteurs placés sous les tables diffusent des récits qui se font échos, obligeant le spectateur ‡ gérer son corps, se baisser, écouter, saisir, regarder 1 - Entremise (s), Anne Kerdraon 2 - Quelques restes bien entretenus d'une tentative de combat, Bernard Marcadé Paul-Armand Gette Né en 1927. Vit à Paris. Éléments biographiques récents Edition de "Au-delà de l'ombre - entre mer & volcan", texte de P-A G. et Ch. Dolbeau publié par le Centre Régional d'Art Contemporain L-R, 16 p., avril 1998, Sète. De l'entre deux à la lisière de tout, dans le fugace et le subtil, au cœur du banal dont il est le théoricien amusé 1, Paul-Armand Gette est un poète de l'écart. Au gré des invitations et de ses envies, mais aussi à l'écoute d'un désir exprimé, il répond, se déplace, s'entoure de la compagnie de ses hôtes comme des éléments naturels du site qu'il se fait sien. Comme un magicien de l'expression de la passion, il prélève, propose dispose en utilisant tout aussi bien la botanique, l'entomologie, la géologie telles une poésie de la définition, de la nomination poésie du tableau. La mythologie dans l'histoire de l'art, l'archéologie, la littérature. La peinture dans le rapport au modèle les poses, le coloriage, le dessin. La sculpture, le socle, la pierre, les environnements. La photographie comme sculpture peinture évocation d'un autre point de vue.
Paul-Armand Gette
Au delà de l'ombre entre mer & volcan Entre le jardin de la villa Saint-Clair à Sète et les bords du cratère Nakadaké dans l'île du Kyushu au Japon, Paul-Armand Cette nous invite du regard à partager ses voyages. Glissement d'une culture à l'autre, ce va-et-vient est empreint d'une délicatesse toute particulière où chaque épreuve photographique témoigne d'une volupté accomplie. Mise en valeur d'un temps évoqué, espace recomposé dans ces instants choisis sont autant de traces de l'expression du désir. Chaque fragment collecté lors de ses séjours reconstitue une nouvelle naissance d'Aphrodite, déesse de l'amour elle nous apparaît en une personne unique et divine et en même temps comme une femme entière, précieuse, jouissant pleinement de sa féminité, de sa beauté. À travers les coulées de lave, le basalte gris lourd assuré de pérennité, les explosions de roches volcaniques brun sombre éclatées contenant des multitudes de petits trous d'air l'éruption volcanique est une métaphore de la passion. Cet état qui nous transforme et nous transpose dans l'expression de la divinité. Les vagues, l'écume, les coquillages abandonnés sont comme autant d'évocations de sa présence. C'est à l'aide d'encre de seiche - dont nous apprécions toutes les saveurs dans la cuisine sètoise - que, cette fois-ci P-A. Gette dessine le pubis d'Aphrodite. Comme un nuage protecteur l'évanescence des dessins aux sucs d'iris ou à l'encre de seiche sont ici confrontés à la pérennité des roches volcaniques érigées sur leur socle telles des sculptures du temps. Paul-Armand Gette, à travers le regard qu'il porte au modèle, nous donne à voir toute l'expression de la féminité dans sa plus grande générosité. C'est lors de son passage à la Villa Saint-Clair et de sa rencontre avec Bénédicte que Paul-Armand Gette ouvre la voie de la liberté du modèle. Telle Vénus sortant de l'eau, Bénédicte est vêtue de ses bas noirs, jeu d'ombre et de lumière. Mégumi se présente avec un ikébana au reflet de Paul-Armand entre les mains. Expression de la divinité ; au Japon une pivoine et un iris sont l'évocation de la grâce et du charme féminin. Offrande, hommage à celui qui leur fait don de son regard. Paul-Armand Gette porte son regard, le pose avec une telle délicatesse qu'aucune femme n'est dupe. Il renvoie dans un premier temps l'image du modèle à travers ses yeux comme un miroir imaginaire. Le choix de la pose, l'attitude est une excitation supplémentaire en devenir d'être autre et en même temps soi même. La relation que P-A. Gette entretient avec ses modèles sont de l'ordre de l'échange né d'une complicité qui émerge, se révèle. Elles glissent de l'ombre à la lumière pour s'identifier à l'image de la déesse. Muses, nymphes, elles sont une et toutes à la fois. Elles proposent en toute liberté une image unique de leur être. Ombre, dessin de l'ombre d'un iris sur la cuisse gainée de bas noir, La nuque dégagée, Jeu de pieds ou Présentation des délices sont autant de propositions soumises à notre regard. C'est dans cette distance de la relation qui les sépare que se dessine toute l'attention de Paul Armand Gette Cet espace/temps qui révèle l'expression de la passion. 1- D'après M.Giroud, Art Présence - N° 12, Automne 1994 Sarkis Né en 1938 à Istanbul. Vit à Paris depuis 1964. Saché le 8 mars 1998 Chère Noëlle, Le temps est arrivé pour peindre l'extérieur (uniquement) du piano/cercueil/fourneau avec du goudron noir et de couper ses pieds de 6 cm et de descendre le rideau de 6 cm aussi Communiquez-moi sa vie Je t'embrasse Amitiés aux amis Sarkis courrier recu le 10 mars 1998. Il concerne l'installation réalisée le 14 février1998 : "Au commencement - le son du silence - à l'arrivée" Le trésor de Mnémosyne, 1996, Collection Fonds Régional d'Art Contemporain Languedoc-RoussilIon. Depuis 1971, l'artiste travaille dans un atelier, rue Vergniaud : "lieu de reflexion, de préparation des concepts d'expositions. Tous les projets sont dessinés dans cet endroit. Toute mes archives s'y trouvent catalogues, correspondances, négatifs de photo (depuis 1965), diapositives de toutes mes expositions (depuis 1968). Lieu où beaucoup d'œuvres sont au repos, près d'autres objets ou d'autres œuvres d'autres cultures (sud-américaines, africaines, indiennes, byzantines, ottomanes, japonaises, etc...). Les hauts parleurs pour la musique sont aussi dans l'atelier."1 L'œuvre acquise par le Frac L-R. met en scène les photographies de cet espace intime de repli et de création, précédant toutes les installations à venir (de 1976 à 1993) et devenant une œuvre en soi, exposée au public. Un simple geste de présentation, antérieur à toute signification, actualise ainsi la mémoire et la venue de l'acte créatif. Les 44 photographies disposées près des 4 caisses en bois les ayant contenues, s'éclairent au nom de Kriegsschatz. Les trésors de guerre, les uns aux autres, témoignent autant d'un désastre, dont les pillages culturels seraient l'exemple, que d'une mise en réseaux, laissant librement circuler le sens avec ses correspondances et ses contradictions. Dans ce lieu crucial de l'atelier ; rien ne se répète si ce n'est l'altération permanente du même, dont les fragments de temps témoignent par intervalle. La dimension poétique de ce travail est prégnante, elle associe et restitue à cette durée immobile l'intensité du vécu. L'autobiographie alimente une mythologie personnelle qui doit autant aux voyages, aux lieux et aux espaces qu'au cinéma, à la musique, aux images, à la philosophie et aux textes. Le monde de Sarkis s'expose comme une totalité ouverte et l'installation fait appel à l'interprétation car "il y a tous les éléments pour lire, mais rien n'est visible"2. 1 Sarkis répond à une proposition de Christian Bernard, "Lexique Sarkis", Art-Press N°222, Paris, mars 1997. 2 Sarkis, in Deepak Ananth, "Au commencement le son de la lumière à l'arrivée", Musée des Beaux-Arts de Nantes, 1997. Jean-Jacques Rullier Né en 1962. Vit à Lyon et Paris. Il me semble que je suis passé d'une sorte de réapprentissage à une exploration. j'ai commencé à classer les objets, répertorier les choses les plus quotidiennes, et puis, peu à peu, grâce aux voyages, j'ai pu vivre et voir les différences de quotidien selon les lieux et les cultures. Le quotidien, ce qui nous paraît le plus banal, est en fait modelé par notre culture, notre histoire, notre passé.... C'est plutôt un souci d'encyclopédiste qu'un esprit de collection, et surtout un travail sur la perception des choses, l'attention que l'on peut accorder aux objets, aux gens, aux lieux... Il s'agit plutôt de réapprendre ce que l'on avait oublié, de le redécouvrir avec une attention plus particulière qu'on n'avait jamais eue... J-J Rullier entretien avec Marie-Laure Bernadac Après avoir patiemment et méticuleusement collecté et assemblé les objets les plus ordinaires, choisis tant pour leur valeur décorative que leur pouvoir évocateur, Jean-Jacques Rullier s'est mis à inventorier, par le dessin, un certain nombre de lieux ou de situations banales, allant des espaces (dedans-dehors), des actions (se laver, manger, boire, dormir) aux promenades et aux lieux de culte, en passant par les rêves. De l'apprentissage du réel, saisi dans ses détails les plus anodins mais les plus vivants, à l'exploration du monde, il n'y avait qu'un pas. Son intérêt et son attention passionnée pour tout ce qui touche aux us et coutumes, aux rites et aux traditions populaires l'ont conduit, de la classification d'objets et de gestes, à la tentative d'appréhender l'invisible. Cette quête d'imaginaire, de spirituel, avait commencé avec les dessins de rêves. Par la juxtaposition d'images et en s'appuyant sur le récit des dormeurs, Jean-Jacques Rullier essaye de donner une image à l'innommable... Le dessin est pour Jean-Jacques Rullier une façon de garder la trace, de saisir la réalité et l'irréalité. C'est pour lui un médium et non une fin en soi. Il lui permet ce recensement du dérisoire. Son trait précis et limpide intègre les méthodes du dessin d'illustrations, du dessin de jeux, des planches anatomiques... Les dessins sont autant à lire qu'à regarder. C'est pourquoi j'attache beaucoup d'importance au livre, à l'édition qu'à l'exposition. (in entretien avec ML. Bernadac) .../... Retrouver l'émotion première des découvertes de l'enfance (il est amoureux des images qui évoquent l'enfance, publicités, étiquettes, planches anatomiques, jeux), explorer les pratiques d'autres cultures, tisser des liens, étudier les comportements humains, voyager dans l'imaginaire tel est le dessein de Jean-Jacques Rullier l'arpenteur, qui de son pas de géant pose un regard tendre sur l'univers afin d'en déceler la mesure cachée. (in communiqué de presse du Centre Georges Pompidou) …/… Le dessin est pour Jean-Jacques Rullier une façon de garder la trace, de saisir la réalité et l'irréalité. C'est pour lui un médium et non une fin en soi. Il lui permet le "recensement du dérisoire". Ce qui l'intéresse, c'est de transcrire le plus fidèlement possible la perception des choses les plus ordinaires." (N. Garnier) Boris Michaïlov 1938. Khar'kov, Ukraine. Vit à Khar'kov et Berlin. A la fin des années soixante, la censure découvrit quelques photos de nus que Boris Michaïlov avait prises de sa femme. La conséquence directe de cet incident fut que celui-ci perdit immédiatement l'emploi d'ingénieur technique qu'il occupait en Ukraine dans sa ville natale de Khar'kov. De ce jour-là, Boris Michaïlov a fuit la censure populaire en se consacrant entièrement à la photo. Pour survivre, il entre dans l'activité du marché noir, en agrandissant des photographies de famille qui sont ensuite colorisées par un peintre. Cette expérience lui a permis de réaliser sa première série de photographies conceptuelles "Luriki ". Boris Michaïlov occupe les espaces culturels qui semblent manquer à la société. Il s'intéresse aux gens et à ce qu'ils font. Dans son travail, il s'identifie à l'époque et aux transformations que traverse son pays. Il s'efforce toujours de trouver des images de son époque et de les traduire en langage photographique. Je suis toujours en train de retenir le temps. La variété des formes est née d'un désir de contrebalancer les développements hypertrophiques de la société qui déforment la réalité à travers une interprétation uniforme qui interdit toute expression artistique autre que le réalisme socialiste et qui censure la représentation du corps nu. Ayant grandi à l'époque de la détente sous Kroutchev quand le culte de la personnalité commençait à pâlir, Boris Michaïlov devient critique et ne peut accepter qu'une image n'ait que des aspects positifs. Une bonne image qui évoque la beauté et qui prétend délivrer un message me donne envie de détruire cette beauté et de ramener ce message au niveau normal de la vie réelle et des émotions humaines élémentaires. Ce qui est important pour moi c'est de reproduire la durée de l'expérience et la singularité propre à notre vie ; et il me semble que c'est irréalisable avec des photos isolées. J'ai besoin de l'accumulation des images des séquences et des séries qui me permettent de jeter le trouble sur l'authenticité d'une perception univoque et de préserver les notions de temps et d'historicité par la réaffirmation du sentiment du temps. …/… Quand on regarde les photos exposées en série il se produit entre elles, ainsi qu'entre elles et les espaces qui les séparent, une vibration qui augmente encore leurs potentialités.... (Extrait de l'entretien de Britte Kôlle avec Boris Michaïlov, Esthétique de la connaissance imparfaite.) Dans la série Luriki, il fallait ramener le mort dans le monde des vivants, en lui ouvrant les yeux, en faisant le nécessaire pour qu'il ait l'air d'être en vie. Dans cette nouvelle série de photographies Boris Michaïlov présente des hommes et des femmes qui ne possèdent que leur corps. Ils ont perdu le peu qu'ils avaient. Sans abris, sans travail, sans aucun moyen de soigner leur ultime richesse, ils n'ont plus rien à perdre. Boris Michaïlov expose ces corps meurtris comme un hommage d'un être à un autre être. Il est question ici de dignité. Dans une deuxième salle, Boris Michaïlov présente une série de portrait en petits formats de sans domicile fixe en Ukraine. Nous parcourons ces images comme un livre, nous traversons leur quotidien, leur histoire, leur souffrance. D'autres photographies représentent une femme portant dans ses bras le corps d'un vieil homme ; images qui nous transportent dans le domaine du sacré ; évocation de La Piéta. À travers ces séries de portraits d'aujourd'hui, Boris Michaïlov nous entraîne à faire une relecture de l'histoire du portrait dans la Peinture. Les œuvres de Sarkis et Boris Michaïlov présentées dans ce nouvel accrochage d'Ainsi de suite 2 l'ont été avec la participation du Frac Languedoc-Roussillon |